L’évolution des zones d’influences ecclésiastiques
autour du Prieuré Saint Laurent
du Xème au XIIème siècle.
La situation avant les raids vikings du IXème siècle.
En 690, dans le Vexin, l’Abbaye de Saint Denis avait de nombreuses propriétés qu’elle tenait du roi Dagobert 1er et de ses successeurs.
Elle en avait la suzeraineté (le fisc sacré) et en était la seigneurerie dominante. Dans la charte donnée en 832 par Louis le Débonnaire, dans les redevances perçues par l’Abbaye, il est fait mention de :
• BRUEIL-EN-VEXIN où l’église primitive était dédiée à Saint Denis.
• FONTENAY-SAINT-PERE où l’église est, là aussi, dédiée à Saint Denis.
• SAILLY.
Entre 820-950 – Les raids vikings et leurs conséquences.
Les Normands (ou Vikings) sèment la terreur le long des grands fleuves. De nombreuses Abbayes sont détruites. Les communautés de moines fuient.
Chronologie des invasions vikings
Face à ce danger, les plus aisés construisent des châteaux. En cas de troubles, le Chatelain accueille les familles des environs, le bétail et les récoltes. Cet ascendant fera de lui un Seigneur.
Les guerres civiles autour de la succession de Louis le Pieux mort en 840 conduisent à une lutte d’influences, chaque parti cherche à débaucher les fidèles de l’autre en donnant beaucoup : des domaines, des abbayes, des bénéfices En 911, le traité de Saint-Clair-sur-Epte est conclu entre le roi des Francs Charles III le Simple et Rollon, un chef viking. Le Vexin est partagé en deux : le Vexin normand et le Vexin français.
D’importantes donations des Seigneurs en faveur du Clergé.
Les craintes générées par l’approche de l’an mil, un regain de ferveur religieuse et le soin à se laver de ses péchés conduisent les seigneurs ou des particuliers à faire des donations aux monastères.
Beaucoup d’églises et leurs dépendances, ainsi que les droits qui s’y trouvaient attachés, sont donnés aux abbayes et prieurés ainsi que des terres, des étangs, des fours, des pressoirs, des moulins ou encore des serfs.
Ils embrassaient la vie monastique, même lorsqu’ils étaient mariés et qu’ils avaient des enfants, parfois même seulement à l’article de la mort pour se faire enterrer dans l’église.
Les principaux dons des Seigneurs aux Abbayes de 978 à 1100.
Deux importantes donations sont faites par la comtesse Ledgarde et la Comtesse Helvise/Héluise de Meulan.
La comtesse Ledgarde, épouse de Galéran I, comte de Meulan.
Mantes et la région environnante lui avaient été données en apanage C’est Hugues le Grand qui semble-t-il l’en gratifia aux dépens des biens des moines. La comtesse Letgarde donna une partie de cet apanage à l’Abbaye de Saint Père en Vallée.
Les biens donnés par la Comtesse Ledgarde sont sur LIMAY – FONTENAY-SAINT-PÈRE – JUZIERS- GUITRANCOURT
Pour JUZIERS : une église au lieudit JUZIERS, avec la villa appelée du même nom, avec seize manses, tous les champs cultivés et non cultivés, les maisons d’hôtes (hospicia), les prés, les vignes, les eaux et les cours d’eau.
La Comtesse Helvise/Héluise de Meulan, épouse de Hugues II de Meulan
En 1033 la Comtesse Helvise/Héluise de Meulan donne LAINVILLE, MONTALET, JAMBVILLE-à l’Abbaye de Coulombs. Ces biens lui avaient été donnés en douaire par le Comte de Meulan, son premier mari.
Veuve, elle épousa Alexandre dit Azzelin, dont elle eut plusieurs enfants dont Godefroi et Gaustron qui prirent l’habit monastique à l’Abbaye de Coulombs. Godefroi devient Abbé. De nouveau veuve, elle finit sa vie en recluse près de cette Abbaye.
Les principaux dons des Seigneurs aux Abbayes de 1100 à 1200
La ferveur religieuse est renforcée par la première croisade de 1096 à 1099. Le chevalier réalise au service du Christ et de l’Église son devoir de vassal.
De nombreux dons de biens matériels sont faits en contrepartie de services liturgiques : prières pour les âmes de leur parentèle et la leur, pour remercier Dieu d’être revenu sain et sauf des croisades…
Les dons visent aussi, par l’intermédiaire des moines, à accomplir l’obligation d’assistance aux nécessiteux : l’aumône, Les actes de donations se multiplient. Ils veulent s’assurer une place au paradis.
Les conflits au sujet des donations faites au Prieuré Saint Laurent.
Des biens très disputés.
Fondé avant 1117, l’histoire du prieuré au XII siècle illustre les rapports conflictuels entre les seigneurs et les religieux mais aussi entre les religieux de différentes abbayes. Nous en avons trois exemples
– la dime de l’Eglise de Brueil-en-Vexin.
En 1141, la dime de cette église fait l’objet d’un conflit entre le Prieuré et deux seigneurs : Hervé de Gallardon et Dreux de Meulan, comte du Vexin. Ces seigneurs s’étaient approprié celle-ci aux dépens du prieuré Saint Laurent. Avec l’intervention de Hugues, Archevêque de Rouen, ces deux seigneurs rendent de « leur bonne volonté » la dime au Prieuré.
– le don d’ODO de Porta.
L’Abbé de la Croix Saint Leufroy porte plainte contre l’Abbé de Josaphat, dont dépendait le Saint Laurent, car les moines du Saint Laurent ne voulaient pas payer les dimes à l’Abbaye de la Croix sur les terres données par Odo de Porta, un des principaux donateurs du prieuré. Un accord est passé :
chaque année, le Prieuré donnera la moitié de la dime et un peu de grains à La Croix saint Leufroy.
– le don de Robert de Saint-Cyr- (en Arthies).
Robert de Saint-Cyr, chevalier, fit un don au Prieuré de sa terre à Lesseville (hameau de Aincourt), ainsi que des maisons, granges, masures, terres, prés et bosquets, avec les droits et dépendances.
Ses biens avaient été enlevés, et donnés à Garin Maire de Lesseville par des « mains malveillantes ».
(Ces « mains malveillantes » ne sont pas nommées ; sûrement un seigneur puissant qui valait mieux ménager). Un accord est passé en 1160 avec Hélinand (le fils de Garin). Lui et ses successeurs paieront annuellement au Prieuré quinze sols et donneront un septier de blé.
La situation du Prieuré à la fin du XIIème siècle.
Le Prieuré Saint Laurent est dans une situation très particulière.
Il appartient à l’Abbaye de Notre Dame de Josaphat à Chartres mais c’est l’Abbaye de la Croix Saint Leufroy qui en est le Collateur.
Le Prieuré appartient à l’Abbaye de Notre Dame de Josaphat à Chartres.
Autour de 1117, Thierry de Luzarches et d’autres seigneurs ont donné des biens pour fonder un prieuré. Le Saint Laurent est cité dans le cartulaire de l’Abbaye de Josaphat dont une charte de 1149, de Hugues d’Amiens archevêque de Rouen qui liste tous les biens du prieuré. En 1164, une bulle du pape Alexandre III les confirme également.
L’Abbaye de la Croix Saint Leufroy est le collateur du Prieuré Saint Laurent.
Alors que les terres du Prieuré appartenaient à l’Abbaye de Josaphat de Chartres, c’est l’Abbaye de la Croix Saint Leufroy qui en est le collateur.
Le collateur joue un rôle très important. En cas de détresse de l’établissement religieux il avait le devoir de le défendre, de veiller à la conservation des terres et des revenus, de pourvoir à son entretien.
En retour, il possédait des avantages : il présentait le candidat à la cure vacante et il avait le droit de préséance à l’église. Il percevait une partie ou la totalité de la dîme.
Il existait un lien entre les comtes de Meulan et La Croix Saint Leufroy. Par suite d’une absence d’héritiers, Le domaine de la Croix fut donné aux comtes de Meulan. Galéran, fils de Robert, le possédait en 1116. En 1136, Roger de Tosni attaqua le château de la Croix-St- Leufroy construit par le comte de Meulan. N’ayant pu s’en rendre maître, il incendia le bourg de la Croix-St-Leufroy, pilla l’église et l’abbaye et en chassa les religieux.
Pour rétablir l’Abbaye, les comtes de Meulan firent de nombreuses donations.
Par exemple, en l’année 1144, Hugues archevêque de Rouen, confirma à La Croix Saint Leufroy la donation qui leur avait été faite de Sailly.
Bien qu’il nous manque l’acte, on peut supposer qu’à cette même période, l’Abbaye de la Croix Saint Leufroy a été faite collateur du prieuré. Elle pouvait ainsi toucher une partie de la dime sans pour autant que l’on déposséda l’Abbaye de Josaphat de ses biens.
C’est cette situation qui a dû être à l’origine du conflit mentionné ci-dessus concernant la dime de Jambville et celle sur les terres de Danly.
Au XIIème siècle, l’histoire du Prieuré Saint Laurent, s’inscrit dans un grand mouvement de changement de patrimoine des Seigneurs vers les établissements religieux. Elle illustre aussi les désaccords qui pouvaient y avoir entre les Abbayes.